Le piéton, parent pauvre de la mobilité…

Malgré la crise climatique, chez nous, la bagnole a encore de beaux jours devant elle.

Il suffit pour s’en convaincre de s’assoir, en fin de journée, aux terrasses de la Place Sainte Anne (à Comines) ou à celles de la rue d'Armentières au Bizet.

Le vélo, pour sa part, est à la mode, et c’est tant mieux. Les budgets que les particuliers et les projets que les pouvoirs publics lui consacrent en sont la preuve. Même si, pour le moment, se faufiler entre les voitures ou les nids-de-poule n’est pas toujours aisé ni rassurant.

Mais qu’en est-il du piéton ? Ou de son congénère à mobilité réduite ?

elderly-man-6792215_1280

LA RUE : UN PARCOURS DE COMBATTANT

Parcourir la ville à pied, éventuellement avec une poussette, ou en voiturette n’est pas un long fleuve tranquille !

De nombreux trottoirs sont inconfortables (pour ne pas dire dangereux). Ils sont jonchés d’obstacles en tous genres (drapelets publicitaires, chevalets, poteaux, pots de fleurs, aménagement de terrasses, voitures mal stationnées…) qui rendent les croisements voire les passages malaisés.

Les seuils, bordures et caniveaux sont parfois difficiles à franchir pour un chaisard et souvent l’aménagement d’entrées de garage provoque une pente en travers déstabilisante.

Les traversées de route ne sont pas évidentes (alors que le circuit piéton devrait être prioritaire).

L’absence de bancs à distance raisonnable décourage de nombreuses personnes âgées ou femmes enceintes...

Dès que des travaux s’exécutent le long de la voie publique, surgit -parfois pour de longs mois- l’injonction : « piétons, traversez ! ». Sous-entendu : à vos risques et périls !

Et les endroits où le piéton peut s’assoir et souffler sont insuffisants voire inexistants ce qui décourage pour certains le déplacement pédestre.

Et pourtant...

La marche est le mode de déplacement le plus souple, le plus agile, le plus économique, le plus démocratique, le plus écologique, le plus sain, le plus indispensable : elle est de tous les trajets.

C’est aussi le meilleur moyen de développer du lien social, de vivifier une urbanité menacée.

C’est enfin, même si l’on ne s’en rend pas toujours compte, la meilleure alliée du commerce et de l’économie de proximité.

Voir aussi notre article sur la mobilité en cliquant ici.

Il est grand temps de réserver à la marche toute l’attention qu’elle mérite.
Et de faire du circuit piéton un espace d’urbanité et de convivialité.

LA PLACE PUBLIQUE, REFLET DE LA SOCIETE

L’espace pédestre ne se limite pas aux trottoirs.
Dans les sociétés primitives, l’espace laissé libre au milieu du village était réservé aux pratiques collectives : battage du grain, fêtes et rituels religieux, palabres… Dans la cité grecque, l’agora est le pôle de l’organisation sociale et politique. Puis vint le règne des marchands. A la Renaissance, la place s’esthétise et devient une composition monumentale et plus récemment un terrain de jeux physiques et culturels.

Aujourd’hui, l’automobile a copieusement envahi ces espaces traditionnellement réservés aux piétons.

Les marchés qui l’animaient certains jours ont été étouffés par les grandes surfaces. Les spectacles ont élu domicile dans les maisons de la culture et le sport dans les salles et sur les terrains ad hoc.

Et la société industrielle, en modifiant radicalement les modes de vie et l’organisation sociale, a considérablement atrophié la dimension communautaire de notre société.

Mais ce n’est pas inéluctable !

Un peu partout et de plus en plus, le besoin se fait sentir de recréer -ou de reconquérir- des lieux de convivialité urbaine. Des solutions existent pour libérer de l’espace de parking, en particulier sur une place centrale : notre ville siamoise, Comines-France, vient de le démontrer magistralement en libérant un espace considérable au pied de son beffroi tout en maintenant le même nombre de parkings à proximité immédiate.

Cet espace public libéré, il faut ensuite se le réapproprier comme une réponse pertinente à nos aspirations sociales : lieu d’activité, de rencontres, de terrasses, de fêtes…

Et cet espace doit aussi répondre -comme il le faisait jadis- aux besoins actuels des populations : îlots de fraîcheur, lieux d’information, lieu de services et de multimodalité…

Il s’agit d’un exercice délicat, qu’il convient de bien penser. Par des professionnels (urbanistes, architectes, éducateurs de rue, agents de développement local…), mais en concertation avec les usagers potentiels (riverains, habitants et visiteurs de la ville, jeunes et vieux, passants et commerçants…)

Place 2

Quelques propositions du Cadec :

APAISER LA VILLE / DONNER PRIORITE AU PIETON
VEILLER A L’HOSPITALITE DES ESPACES PUBLICS

A court terme :

  • mettre à égalité les usagers en garantissant la priorité aux plus vulnérables (les piétons) sur les autres.
    La personne à mobilité réduite est considérée comme référence pour les besoins du piéton ;
  • assurer une continuité, une largeur (3 personnes de front) et une praticabilité confortables aux trottoirs, en particulier dans les rue commerçantes, vers les écoles et les lieux de travail ;
  • sécuriser les traversées piétonnes et supprimer progressivement les ressauts;
  • pour les pentes et dévers, se conformer aux prescrits du CoDT (notamment);
  • apporter un soin particulier à l’intermodalité et mettre en place une signalétique dédiée ;
  • réaliser des quais à niveau pour les bus ;
  • pour apaiser (et sécuriser) la ville, limiter la vitesse à 30 km/h s’il est possible de séparer les vélos des voitures, sinon créer des zones cyclables (30 km/h + interdiction de dépasser les vélos) ;
  • en ville, prévoir des bancs tous les 300 m le long des trottoirs ;
  • au cœur de chaque village et de chaque quartier, prévoir des placettes uniquement piétonnes. Y prévoir des bancs et des possibilités d’affichage ;
  • dans les rues commerçantes (notamment), prévoir un « visage d’été » (réaffecter temporairement des lieux de stationnement à des terrasses ou à des espaces de rencontre, si possible ombragés) ;
  • y éviter les sorties de garage, qui constituent à chaque fois un danger pour le piéton
  • dévier les véhicules frontaliers de transit via des voies existantes (route de l’Europe à Comines, rue Duribreux au Bizet) ;
  • mettre en place une commission « piétons », à l’instar de la commission « vélos ».

A moyen terme, et dès maintenant pour les nouvelles réalisations :

  • 50 % de la surface des voiries sont affectés aux modes actifs (vélos, piétons) ;
  • créer (et signaler) des parkings de délestage en bordure des centre commerçants ;
  • à Comines et au Bizet : repenser et réaménager la place en un espace exclusivement ou majoritairement piéton, soigneusement arboré et durablement planté

A plus long terme (mais à imaginer dès à présent) :

  • à Comines, envisager prioritairement un nouveau franchissement de la Lys à hauteur de la station d’épuration pour les véhicules lourds et de transit, afin d'apaiser le "centre-villes" trans-frontière et de rendre plus convivial le secteur du pont urbain (voir le bas de notre article "Plus belle, ma ville")
  • au Bizet, créer une voirie entre le rond-point des Douze-Apôtres et la rue du Touquet, pour écarter le trafic de transit venant du Nord et de l’ouest de l’agglomération

Lire aussi :

" A PIED D'OEUVRE - METTRE LE PIETON AU COEUR DE LA FABRIQUE DES ESPACES PUBLICS" (ADEME).
Pour accéder (gratuitement) à l'ouvrage, cliquer sur le dessin ci-contre

Le piéton, parent pauvre de la mobilité…